Accident mortel sur l’autoroute Métropolitaine (A40) à Montréal : la CNESST dévoile les conclusions de son enquête
Montréal, le 21 juin 2017
Le 9 août 2016, M. Gilbert Prince, camionneur au service d’Entreprise Gestion Georges & Robert (EGGR), perdait la vie dans un incendie survenu sur l’autoroute Métropolitaine (A40), à Montréal. La cabine du camion-citerne qu’il conduisait a pris feu après une collision entre plusieurs véhicules lourds. À la suite de son enquête, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) retient comme principales causes de l’accident la distance insuffisante entre les véhicules pour permettre au chauffeur d’éviter la collision et l’arrêt intempestif d’un autre camion-citerne après le déclenchement inopiné d’un dispositif d’interverrouillage ayant activé les freins d’urgence.
Chronologie de l’accident
Le jour de l’accident, M. Prince conduisait un tracteur avec remorque-citerne sur la voie centrale de l’autoroute Métropolitaine. Plusieurs mètres devant, un camion-citerne appartenant à Bombardier s’est immobilisé de façon intempestive à la hauteur de la rue Lajeunesse. Le chauffeur d’un camion cube de l’entreprise Interglobe qui suivait a appliqué les freins brusquement et a réussi à immobiliser son véhicule à environ 1,2 mètre derrière le camion de Bombardier. Pour sa part, le chauffeur d’un camion avec remorque-plateforme de l’entreprise Givesco a tenté de changer de voie, sans succès, et a embouti l’arrière du camion cube d’Interglobe, avant de s’immobiliser complètement. Quant à M. Prince, son camion a percuté de plein fouet le camion de Givesco immobilisé devant.
Sous la force de l’impact, la cabine où se trouvait M. Prince a été lourdement endommagée. Un liquide combustible s’est écoulé vers le sol et a enflammé le tracteur, puis la cabine à l’intérieur de laquelle M. Prince est demeuré piégé. Les services d’urgence ont été appelés sur les lieux de l’accident. Le décès du travailleur a été constaté sur place.
Quatre causes expliquent l’accident
L’enquête a permis à la CNESST de retenir quatre causes pour expliquer l’accident. Premièrement, le camion-citerne de Bombardier s’est arrêté de façon intempestive à la suite du déclenchement inopiné du dispositif d’interverrouillage, installé sous le rideau métallique et activant les freins d’urgence. L’usure généralisée du mécanisme ainsi que le mauvais serrage des boulons ont permis aux vibrations de la route induites au camion-citerne d’ouvrir les verrous des glissières et de soulever le rideau, ce qui a été suffisant pour enclencher le système de freins d’urgence.
Deuxièmement, la distance séparant le camion de EGGR du camion-plateforme de Givesco, soit 31 m, était insuffisante pour permettre au chauffeur d’éviter la collision. En effet, considérant le poids et la vitesse de déplacement du camion de EGGR, une distance de 76,7 m était nécessaire pour immobiliser le véhicule.
Troisièmement, le tracteur du camion de EGGR a pris feu à la suite de l’impact.
Quatrièmement, Bombardier n’a pas assuré un suivi adéquat des arrêts intempestifs survenus en 2016 avec ses camions-citernes. L’enquête a permis de constater que des arrêts similaires à celui du 9 août se sont produits plus tôt dans l’année en 2016, dont deux sur l’autoroute Métropolitaine, dans le même secteur que celui où s’est produit l’accident. Un suivi adéquat de ces événements aurait permis, notamment, de prendre les mesures nécessaires pour conformer aux normes le camion-citerne concernant les dispositifs de sécurité pour prévenir un freinage intempestif.
Il est important de mentionner que c’est l’ensemble de ces facteurs combinés qui a mené au décès du camionneur d’EGGR, et non une cause plutôt qu’une autre.
Les exigences de la CNESST
À la suite de l’accident, la CNESST a interdit l’utilisation sur la voie publique du camion-citerne de Bombardier ayant causé l’accident ainsi que d’un deuxième camion-citerne similaire, tous deux appartenant à Bombardier. L’interdiction a toutefois été levée sur le deuxième camion une fois sa conformité aux normes validée. La CNESST a également exigé que les travailleurs de Bombardier soient formés concernant le dispositif d’interverrouillage et le dispositif de sécurité.
Comment éviter un tel accident
La CNESST rappelle que la présence ou l’installation d’un dispositif d’interverrouillage agissant sur le système de freins d’un véhicule doit être approuvée par le fabricant. De plus, une analyse de risques doit être réalisée dans le but d’évaluer la pertinence d’installer des dispositifs de sécurité dans le poste de conduite pour prévenir un arrêt intempestif lorsque le véhicule circule sur la voie publique. Le dispositif d’interverrouillage doit, quant à lui, être installé selon les règles de l’art pour prévenir un déclenchement inopiné.
Rappelons que, par la loi, tout employeur a l’obligation de s’assurer que l’organisation du travail ainsi que les équipements, les méthodes et les techniques pour l’accomplir sont sécuritaires. L’employeur et les travailleurs doivent faire équipe pour repérer les dangers et mettre en place les moyens pour les éliminer et les contrôler.
Suivis de l’enquête
La CNESST ayant constaté la présence de dispositifs d’interverrouillage agissant sur les freins sur des camions-citernes servant au transport de marchandises, elle informera le comité pancanadien de révision de la norme CSA-B620. De plus, la CNESST informera la Société d’assurance automobile du Québec et la Sûreté du Québec des résultats de son enquête.
Au Québec, depuis 5 ans, 61 travailleurs ont perdu la vie dans des accidents de la route, dont 5 de la région de Montréal.