La Cour supérieure du Québec a confirmé récemment dans le jugement Métanor inc.1 qu’un employeur pouvait être trouvé coupable d’avoir manqué à ses obligations, et ce, malgré la faute contributive d’un de ses travailleurs.
Le 30 octobre 2009, trois travailleurs sont morts noyés à la suite de l’immersion de la cage dans laquelle ils se trouvaient pour descendre dans une mine souterraine. L’accident s’est produit au douzième niveau, soit à plus de 500 mètres de profondeur. Au moment des événements, l’alarme du fond du puits n’était pas fonctionnelle, puisque les sondes permettant de l’actionner n’étaient pas branchées. De plus, la dernière inspection du puits remontait à plus de deux semaines avant l’accident. Les travailleurs étaient donc exposés à un danger immédiat menant à des lésions graves, ne sachant pas si une inondation sévissait dans le fond du puits.
La Cour a conclu dans cette affaire que malgré l’erreur grossière de l’opérateur de treuil de ne pas avoir fait un cycle complet de descente et de remontée de la cage d’ascenseur dans la partie du puits avant d’y faire descendre les trois travailleurs, on ne pouvait faire fi de la responsabilité de l’employeur2. En effet, bien que la faute contributive de l’opérateur puisse avoir engendré le danger, la faute n’a pas causé les circonstances inadéquates préexistantes3.
Il est vrai que la faute grossière de l’opérateur peut dans certaines circonstances disculper l’employeur en vertu de l’article 239 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail4 [Loi], qui édicte que : « dans une poursuite visée dans le présent chapitre, la preuve qu’une infraction a été commise par un représentant, un mandataire ou un travailleur au service d’un employeur suffit à établir qu’elle a été commise par cet employeur, à moins qu’il n’établisse que cette infraction a été commise à son insu, sans son consentement et malgré les dispositions prises pour prévenir sa commission5. » Toutefois, dans ce cas, il n’en demeure pas moins que le jugement cible des fautes dont l’employeur ne pouvait être exonéré, telles que la défectuosité du système d’alarme au fond du puits avertissant d’un haut niveau d’eau et l’absence de vérifications des conditions du puits depuis plus de deux semaines avant l’accident.
Le tribunal a d’ailleurs soutenu qu’il ne pourrait être question d’une rupture du lien de causalité faisant en sorte que la négligence grossière du travailleur annihilerait les autres circonstances imputables à l’employeur, celles-ci ayant contribué à mener à une situation susceptible de compromettre directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des travailleurs ce jour-là6.
Il ressort donc de ce jugement qu’un employeur peut se voir déclarer coupable lorsque la situation dénoncée ne repose pas uniquement sur le geste isolé de son travailleur, geste que l’on assimile à une erreur grossière. Il faut en effet que d’autres éléments, tout en étant imputables à l’employeur, démontrent que ce dernier a mis sérieusement et directement en danger les travailleurs, le rendant alors responsable de l’infraction en cause.
La loi ne peut exiger des travailleurs qu’ils agissent toujours à la perfection dans le feu de l’action, et c’est pourquoi, pour assurer la protection de ces derniers, elle fait reposer sur les épaules de l’employeur l’obligation de prendre toutes les précautions nécessaires afin de repérer et d’éliminer à la source même les dangers.
(Source: preventionautravail.com)